LA PHRASE DICTÉE

Les enjeux

L’objectif principal est de faire émerger les représentations des élèves par la confrontation afin de les faire évoluer vers une meilleure compréhension des phénomènes orthographiques, principalement grammaticaux.

La « phrase dictée » « permet de poser aux élèves des problèmes d’orthographe à partir de leurs propres productions et de les amener à réfléchir collectivement à la façon de résoudre ces problèmes. » Elle permet de faire émerger les conceptions des élèves et de les mettre au travail. Elle est l’occasion pour l’élève de mettre à l’épreuve des faits ses constructions mentales, ses raisonnements et ses procédures, les évaluant ainsi. Elle offre ainsi un espace d’appropriation, de prise de risque où l’élève peut s’exercer, tâtonner. Ces dispositifs ont « une fonction heuristique : en discutant de l’orthographe telle qu’ils ont su la produire, les élèves vont de l’avant : ils comprennent peu à peu ce qu’ils n’avaient pas encore compris et découvrent des aspects qu’ils n’avaient pas encore découverts.

L’une des conditions de la mise au travail de ces conceptions est les échanges entre pairs. Ces échanges relèvent de ce que l’on appelle un oral réflexif. Les graphies produites lors de la phrase dictée sont soumises à examen. Celui qui a produit cherche à justifier et ainsi convaincre ses camarades. Il s’en suit des interactions générées soit par une adhésion au propos, soit par une remise en cause totale ou partielle. Il est d’ailleurs à noter que « c’est sous la pression du groupe … que les points de vue s’élaborent en partie, car ces points de vue sont loin d’être constitués préalablement à l’interaction ; ce que les élèves font ou pensent leur reste plutôt obscur tant qu’une mise en mots n’a pas eu lieu : c’est pourquoi les propos initiaux sont souvent laborieux : on peut y entendre un travail de dévoilement pour le locuteur lui-même. »

La « phrase dictée » travaille l’approche orthographique : lorsqu’il écrit, le scripteur s’appuie sur ce qu’il entend. Il est, par exemple, attentif à la forme du déterminant pour orthographier la suite. On dit parfois que le déterminant est un déclencheur ou un mot signal. Il peut ainsi signaler un accord au pluriel à venir.
La « phrase donnée » travaille l’approche grammaticale : lorsqu’il justifie une graphie, l’élève est attentif au nom qui donne sa marque au déterminant et à l’adjectif. Un nom féminin donne ainsi la marque du féminin au déterminant et à l’adjectif (voir la page La justification de graphies).
Ces deux approches cohabitent au CE, elles seront explicitées et distinguées au CM.

          Toutes les citations proviennent de Pour enseigner et apprendre l’orthographe, D. Cogis, Delagrave, p 304 et 306.

Des éléments méthodologiques

Les élèves écrivent sous la dictée un groupe de mots ou une phrase. Cette activité peut être menée de différentes façons.

Modalité 1. La façon la plus habituelle : l’adulte dicte et les élèves écrivent individuellement avant une correction collective ; la dictée permet alors d’évaluer la performance de chacun.

Modalité 2. Une deuxième façon, la « dictée discutée » qui s’inspire des ateliers orthographiques : après une écriture individuelle, les élèves réécrivent en réfléchissant à plusieurs (2 ou 3), puis les différentes propositions sont rendues publiques sous forme d’un tableau avec plusieurs colonnes, suscitant ainsi le doute orthographique.
Par exemple :

Les auteurs de chaque proposition sont invités à expliquer les raisons de leur choix. Ces raisons sont débattues avant que soit expliquée la version normée. Les propositions erronées sont effacées. Les élèves recopient alors la phrase correctement orthographiée. L’enseignant peut choisir les graphies à discuter et mettre lui-même à la norme les autres erreurs. De manière générale, les erreurs d’orthographe lexicale n’ont pas à être débattues, à moins qu’un mot de la même famille et mieux connu permette de lever rapidement la difficulté. Cela permet d’inscrire la dictée dans un temps acceptable (une vingtaine de minutes).
Cette façon de faire oblige les élèves à raisonner et les amène à remodeler leur représentation des phénomènes en jeu.

Voir un exemple développé (en CM1, autour de la distinction les déterminant et les pronom)

Modalité 3. Une troisième façon, la « dictée questionnée » : les élèves ont le droit de poser toutes les questions qu’ils souhaitent lors de la dictée à la condition de ne pas utiliser le nom des lettres et que leur question appelle une réponse en oui ou non.
Par exemple, ils peuvent demander si voitures s’accordent bien avec les, si roulent est bien un verbe, si glacé est un mot de la famille de glace. En revanche, ils n’ont pas le droit de demander si roulent prend -ent ou si glacé s’écrit « avec deux -s- » . Après qu’ils ont obtenu les réponses apportées par l’adulte ou par les camarades, chacun écrit la phrase dictée.

Cette façon de faire contraint les élèves à utiliser les « mots de la grammaire ». Elle permet de comprendre comment les élèves perçoivent et analysent les problèmes orthographiques auxquels ils sont confrontés. La dimension ludique rend l’exercice rapide, rythmé et plaisant.
Elle est particulièrement pertinente avec les élèves au début de leur apprentissage (en CE1, CE2) et avec les élèves fragiles.