CONTRASTER LES NOTIONS

Vue de haut et par quelqu’un qui la maitrise, la langue peut apparaitre comme un ensemble d’unités distinctes, sans tenir compte des liens que ces unités entretiennent dans les énoncés. On peut alors être tenté d’enseigner la langue en passant en revue les différents éléments pour les décrire (leur « nature ») et pour énumérer les différents liens où ils se rencontrent (leurs « fonctions » possibles). À procéder ainsi, on perd de vue le fait que la langue est un système, elle semble être la somme d’éléments compliqués pris dans des relations énigmatiques. Beaucoup d’ouvrages pédagogiques sont conçus ainsi et alignent des leçons sur le nom, puis sur le verbe, puis les déterminants, puis… etc.
De plus, certains éléments sont proches, si proches qu’ils engendrent de nombreuses difficultés pour les élèves qui les confondent. Par exemple : Julie a trouvé des escargots, elle les élève avec de la salade… (voir ici un exemple de traitement de cette difficulté au CM1).

Notre démarche met au cœur l’étude des relations entre les unités, et secondairement les unités elles-mêmes. Pour éviter la juxtaposition des divers éléments dans une série plus ou moins arbitraire, nous sommes conduits à mettre en avant les contrastes qui les différencient, contrastes entre des emplois différents et entre des significations différentes. Par exemple, une des premières leçons au CE1 Imagier des noms / imagier des verbes propose ainsi d’associer à des illustrations de scènes d’abord des noms, puis des verbes. Le travail de comparaison parvient à élaborer ces définitions – qui restent embryonnaires, mais qui amorcent utilement la réflexion :

La progression en syntaxe s’articule autour de contrastes que le recours à des formes ambigües rend encore plus évidents : quand on les reformule, on voit qu’elles n’ont pas le même sens et qu’il faut les distinguer – reste à rechercher (c’est l’objectif de la leçon) les éléments contrastifs.
CE1 : nom / verbe
            Je ferme les portes. / Elles portent un bateau.
CE2 : groupe verbal avec verbe seul / groupe verbal avec complément.
            Attention, le verre, ça casse ! / Le chat casse les vases.
            complément du verbe sans préposition /  avec préposition
            Il a causé un accident. / Il a causé avec le suspect.
CM1 : attribut du sujet / complément d’objet
            Yanis fait l’idiot. / Yanis fait des truffes au chocolat.
            déterminant / pronom
            L’ouvrier saisit la porte. / Il la porte jusqu’au bon endroit.     
CM2 : complément circonstanciel de verbe / complément circonstanciel de phrase.
            Sarah lançait la balle dans la cour, la balle y est restée. / Sarah lançait la balle dans la cour, elle aurait pu                                  jouer ailleurs !
            COD expansé / attribut du COD
             Je n’ai pas trouvé l’exercice difficile, je ne l’ai pas trouvé, je l’ai cherché partout. / Je n’ai pas trouvé                                            l’exercice difficile,  je ne l’ai pas trouvé difficile, je l’ai fini facilement.

D’un point de vue sémantique, le contraste permet de construire assez précisément le sens des notions à l’étude. Par exemple :
CE1 : déterminant indéfini / déterminant défini
            Un jour, un monstre arriva sur la planète. Le monstre voulait tout dévorer.
CM1 : valeurs déterminative / qualificative des expansions du groupe nominal
            Le chat de mon voisin est une bête désagréable. (de mon voisin indique de quel chat on parle, désagréable le qualifie et manifeste l’opinion de celui qui parle)

Du côté de la morphologie, nous proposons aussi, autant que possible, des tris et des comparaisons pour dégager des différences.
Ainsi les verbes irréguliers comme pouvoir, vouloir, prendre… sont systématiquement étudiés par comparaison avec des verbes réguliers. Et au CM, il est proposé d’opérer des regroupements de verbes qui se conjuguent de façon identique : conduire et construire, offrir et couvrir, partir et dormir, vendre et mordre Manière de réviser les particularités de ces conjugaisons, et de mesurer l’écart aux formes régulières.
Comme c’est le cas en syntaxe, l’homophonie de certaines formes permet aussi de mettre en évidence des comportements morphologiques contrastés :
            L’élève relit la consigne : il faut qu’il relie les mots qui vont ensemble.
            Le plan du quartier / le plant de rosier acheté à la jardinerie