QU’EST-CE QU’UN SIGNE ?
Un signe est une convention sociale, qui ne vaut que dans une communauté donnée.
Un signe est constitué d’un signifiant (l’élément concret, matériel, qu’on peut décrire), et d’un signifié (l’élément abstrait véhiculé par le signe). Les systèmes de signes sont nombreux – par exemple, les panneaux de la circulation routière (signifiants : les panneaux avec leurs couleurs et leur forme / signifiés : les obligations, interdictions, avertissements ou informations qu’ils signifient).
Une langue est un système de signes. Les signifiants y sont constitués par une suite de phonèmes ou une suite de lettres ; les signifiés sont les concepts que définissent les articles des dictionnaires. En dehors des onomatopées (le glouglou, un cocorico, plouf…), il n’y a pas de relation entre le signifiant et le signifié.
Avec ses deux faces (signifiant et signifié) le signe permet de référer à des réalités extralinguistiques. Un signe n’est qu’un élément dans un ensemble de signes ; de ce fait, il tire sa valeur des contrastes qui l’opposent aux autres signes du système : l’azur ne désigne pas tout à fait la même nuance de bleu que la turquoise, le mot pomme ne renvoie pas à la même réalité que le mot pommes.
Le signifié d’un signe n’est pas stable, il dépend largement des usages qui sont faits du signe. Un enfant n’a pas la même « définition » d’un mot qu’un adulte parce qu’il ne l’a pas rencontré dans les mêmes contextes : un pont, par exemple, n’est pour l’un qu’une voie de circulation alors que pour l’autre, c’est une liaison entre deux points : deux rives mais aussi deux dates, deux idées… La fonction des dictionnaires est de faire état d’un certain consensus, lequel peut varier d’une époque à l’autre, d’une région à l’autre.
Voici par exemple l’histoire du mot bureau qui a radicalement changé de sens au cours de l’histoire : petit morceau de bure utilisé comme buvard, puis meuble sur lequel écrire, puis pièce où se situe le meuble, puis ensemble des gens travaillant dans la pièce, puis service qui emploie ces gens… Le souvenir s’est perdu du chiffon de tissu grossier qui servait à éponger l’encre et à sécher la feuille écrite.
Autre exemple : le mot tartine évoque pour beaucoup de francophones une tranche de pain recouverte de beurre ou de confiture, qu’on mange au petit-déjeuner ou au gouter, surtout les enfants. Dans le nord de la France et en Belgique, c’est un véritable sandwich, élément essentiel du diner, et pour toute la famille…
Certains signes ne servent pas à référer à des réalités extralinguistiques mais seulement à rendre manifestes les liens entre les autres signes. Ce sont ce que les enfants appellent des « petits mots » (déterminants, prépositions, verbe être…) et les marques grammaticales (de nombre, de genre, de personne…).
Dans la classe, il est important d’avoir à l’esprit le caractère arbitraire des signes, dont le sens dépend essentiellement de l’usage qu’on en a : quand un élève hésite ou se trompe sur la valeur d’un signe (un mot, mais aussi un « petit mot » homophone ou une marque grammaticale ), ce qui lui échappe n’est pas une caractéristique du référent mais ce sont les conditions de son emploi. Par exemple, à propos d’un groupe de mots comme la maison bleue, le –e de bleue ne vient pas d’une quelconque qualité féminine attribuable à une maison, mais au fait que maison est un nom féminin. Il en va de même pour une fille futée : le -e de futé ne doit rien au sexe du personnage mais tout au genre du mot qui le désigne. La valeur de ce –e tient à ce qu’il s’oppose à l’absence de marque qui caractérise la relation à un nom masculin : cette fille futée devint un mannequin réputé[].
Sur un tout autre plan, il faut avoir en tête que les signes proposés par la langue ne présupposent pas l’existence dans la réalité attestée des référents qu’ils suggèrent. Un panneau routier de croisement avertit d’un croisement même s’il n’est pas planté avant l’intersection de routes et s’il git dans un fossé ; de même, un mot fait signe même s’il ne correspond à aucune réalité perceptible. Ainsi, à propos du mot dragon, un élève de grande section a pu demander : « Comment peut-on parler de choses qui n’existent pas ? » Le Père Noël et la Petite Souris lui permettront sans doute de poursuivre la méditation…
Le gout des mots
Un enseignant est quelqu’un qui met en signes. Il fait remarquer des choses et ces choses prennent sens aux yeux des élèves parce qu’il met en signes (en mots) ce qui a été remarqué.