QU’EST-CE QUE LA FONCTION D’UN MOT ?

Le mot de « fonction » est celui qu’on utilise souvent pour désigner la position dans l’architecture de la phrase ou le rôle syntaxique que joue le mot dans la phrase.
Il y a donc en fait trois images en concurrence pour décrire une phrase :
– la phrase peut être vue comme une machine (ou un organisme), qui vise une certaine efficacité (informer, questionner, séduire, amuser…). Les mots ont une fonction à remplir pour servir l’utilité (ou la viabilité) de l’ensemble ;
– la phrase peut être vue comme un édifice complexe, avec des corps de bâtiment principaux, des ailes, des enfilades de pièces, dont l’architecture renvoie à des plans préétablis (une phrase se construit de telle ou telle manière…) sur lesquels le locuteur n’a pas totalement le pouvoir. Les mots occupent alors une place dans la construction de la phrase ;
– la phrase peut être vue comme une représentation théâtrale qui met en œuvre une dynamique propre (pour enrôler l’auditeur, créer une attente…). Les mots ont alors un rôle à tenir.

Mais en réalité il ne faut pas trop pousser la valeur de ces images : les trois expressions de fonction d’un mot, de position dans la phrase ou de rôle syntaxique sont largement synonymes. Elles servent chacune à désigner les liens (ou les positions hiérarchiques) entre les mots dans la phrase : lien entre le sujet et le verbe, lien entre le nom et le déterminant, entre le nom et les expansions du groupe nominal (adjectif, complément ou proposition subordonnée relative), lien entre le verbe et les compléments du verbe, lien entre un groupe nominal et l’ensemble de la phrase, etc.

Ainsi, parler de « fonction » revient à regarder la phrase comme un ensemble de mots qui, conjointement, font sens. Cela convient bien à la structure du latin – le mot de fonction vient de la grammaire latine. En latin, comme dans toutes les langues à déclinaison, le mot lui-même varie selon la position qu’il occupe dans la construction de la phrase (sujet : Petrus / COD : Petrum / CdN : Petri / COI : Petro…) : le lien avec les autres mots est inscrit dans le mot lui-même.
En français, la phrase est construite selon des prototypes relativement figés : c’est ou la place ou l’adjonction de mots grammaticaux (prépositions, particules diverses) qui signalent la fonction d’un mot. Il convient donc plutôt de regarder la phrase comme une construction qui se réalise dans des mots. Plutôt que de parler de fonction des mots, il est plus rigoureux de parler de la place dans la construction de la phrase. En tout cas, il faut prendre garde que l’étiquetage selon les termes qui désignent les fonctions (sujet, complément d’objet, attribut, épithète, déterminant… etc.) ne vienne pas masquer les interdépendances qui font la phrase.

En classe, quand on demande aux élèves d’identifier la fonction de tel ou tel mot (par exemple du mot Françoise dans La classe de Françoise se met au travail), ou quand on demande de trouver quel mot remplit telle ou telle fonction (par exemple : quel mot est complément du nom ?), on leur demande en fait de surplomber la construction de l’ensemble de la phrase. C’est alors le repérage des groupes qui permet d’élaborer une réponse assurée, et non pas la sélection pertinente dans une liste des fonctions possibles :